Tombé dans la marmite de potion manga quand il était petit, c’est en véritable passionné qu’il a mis en place ce qui s’annonce dans les prochaines années comme un des lieux incontournables du manga au niveau européen. Du haut de ses 22 ans, il gère en véritable chef d’entreprise tous les aspects de cette grande messe nippone. Gros plan sur le parcours de cet enthousiaste qui a su canaliser son énergie et sa passion au service d’un événement hors normes.

Interview Cercle Suisse Japon: Parle nous de ton parcours. Comment deviens-t-on directeur de festival? David Heim: A la base, j’étais journaliste indépendant sur Power3D, un site dédié aux jeux vidéo que j’animais il y a 8 ans de cela. Ça marchait très bien, on a eu jusqu’à 5’000 visiteurs par jour. On ne gagnait pratiquement rien du tout, c’était plus par passion qu’autre chose.

En 2000, il y a eu une grosse restructuration au niveau du site et je me suis retrouvé tout seul. Il a donc fallu prendre des décisions et je me suis tout de suite dirigé vers l’animation japonaise car ce n’était concrètement plus possible de faire des tests de jeux vidéo en étant tout seul, car chaque test prend une dizaine d’heures par jeux. J’ai donc adapté le site pour les mangas et les jeux vidéo qui prennent beaucoup moins de temps.

CSJ: Que faisais-tu à côté? DH: J’étudiais… Après quoi j’ai fait mon armée et une fois celle-ci terminée, une école de communication et management à Genève qui a duré 2 ans et où j’ai eu la chance de terminer parmi les premiers. Disons que depuis l’âge de 12 ans, je sais que je veux être graphiste publicitaire donc tout en étant à l’école, je savais très bien où j’allais c’est pour ça qu’à 14 ans j’ai commencé à fairePower3D que j’ai développé au fil des ans. Petit à petit, mon travail sur Power3D a été respecté par les différents éditeurs en France qui avaient de plus en plus confiance.

CSJ: Est-ce que tu retirais un intérêt financier de ton site web? DH: On s’est toujours débrouillé pour que ça ne nous coûte pas grand-chose mais on n’était pas payé. Le site web était une galerie de mon travail, une carte de visite de mes compétences. Et c’est d’ailleurs comme ça que ça m’a permis de créer des liens qui me sont utiles pour Polymanga.

CSJ: Ou en est ce site? DH: Il a été arrêté quelques mois avant la première édition de Polymanga pour pouvoir me concentrer uniquement sur l’événement qui représente un énorme travail.

CSJ: Il y a un saut énorme entre administrer un site web et créer un festival. Quel a été l’élément déclencheur? DH: C’est un projet qui a prix racine pendant mon école de communication/management où l’on devait faire différent projets. Quand j’ai dû en rendre un sur l’événementiel, j’ai alors développé tout le concept théorique de Polymanga.

CSJ: Mais pourquoi avoir choisi l’EPFL? DH: J’ai fait appel à plusieurs amis dont un était à l’EPFL et c’est partis comme ça.

CSJ: Cette deuxième édition de Polymanga se passe à Palexpo, pourquoi ne pas avoir continué à l’EPFL? DH: Les autorités de l’EPFL ont décidé de changer leur politique vis-à-vis de Polymanga donc nous avons été contraint de revoir notre collaboration. Mais grâce à Palexpo, nous avons pu rebondir et saisir l’occasion de faire quelque chose d’encore plus grand en modernisant les choses. Le gros avantage c’est que maintenant nous sommes totalement indépendant sur la ligne à suivre. J’ai actuellement une vision globale du projet et je peux le faire évoluer selon l’orientation qui me semble la plus appropriée.

CSJ: Revenons sur la première édition de Polymanga, quel a été le bilan de l’année dernière? DH: Très très bon. Plus de 6000 visiteurs, plus de 40 extraits médias, aussi bien magazines spécialisés que presse quotidienne, radio ou TV. Et tous très élogieux.

CSJ: Combien de bénévoles? DH:Une trentaine environ. Ce qui est pas mal mais pour une première fois un petit peu plus n’aurait pas fait de mal. Avis aux amateurs!

CSJ: Vous étiez à l’équilibre l’année passée? DH: Oui, sachant que personne n’a été payé. Nous étions tous des bénévoles.

CSJ: Quel est le profil de vos visiteurs? DH :P resque que des Suisses et quelques Français.

CSJ: Le fait de s’être déplacé à Genève devrait donc vous ouvrir à un bassin de population plus important du côté français non? DH: C’est vrai que pour certain Français, Lausanne c’est un autre pays… En même temps on va encore plus loin et on organise des transports en bus pour les Parisiens (les artistes et les visiteurs).

CSJ: Grosse surprise ou grosse déception de l’année dernière? DH: Deux très bons souvenirs: le comportement de notre Guest-star de l’année passée s’est extrêmement bien passé, en particulier sa conférence. Le feedback des artistes européens a également été génial.

CSJ: Quelles sont les nouveautés de Polymanga 2006? DH: Question projections ou activités, on a un programme complètement renouvelé avec plein de nouveautés et d’exclusivités pour ne pas ennuyer ni les journalistes, ni les visiteurs qui reviennent. On a également 2 grosses stars japonaises qui viennent faire des conférences et des signatures: Murata & Okamura. On a une trentaine d’artistes européens qui reviennent en masse. Le Cosplay de l’année passée c’était bien passé donc on va le réitérer. Comme nouveauté on aura également le musée du jeu vidéo japonais. Ça fait environ 20 ans que ce domaine existe et il me paraissait intéressant de faire une rétrospective. Mais attention, tous les jeux seront accessibles à travers des consoles jouables! On aura également les tournois, les concours avec de nombreux prix. Et surtout les activités culturelles japonaises comme la cérémonie du thé ou l’initiation au jeu de go qui ont eu un fort succès l’année dernière. Sans compter quelques surprises de taille en préparation.

CSJ: Vous visez combien de personnes cette année? DH: Entre 8000 et 10’000 personnes.

CSJ: Quels sont les concurrents de Polymanga? DH: En Suisse il y a quelques initiatives mais rien de comparable. Et au niveau européen 4 ou 5 événements d’importance dont 2 ou 3 sur Paris.

CSJ: Qu’espères-tu pour les prochaines années? DH: Que Polymanga puisse tourner chaque année sans perte. Je ne suis pas utopiste au point de vouloir en vivre, par contre si je pouvais ne pas perdre d’argent ça serait bien.

CSJ: Comment vois-tu le futur de Polymanga? DH: Les mangas et Polymanga en particulier devraient avoir de plus en plus de succès. On est entrain d’assister à un basculement culturel vers le manga et l’animation japonaise. Ça a commencé dans les années 80 avec des animés comme Capitaine Flam ou Goldorak, c’était le tout début, quelque chose comme le précambrien. Au fur et à mesure, ça a pris de l’ampleur et on a eu de plus en plus d’émissions à la télévision qui ont vulgarisé l’animation japonaise vers le grand public.

Le phénomène a pris une telle ampleur que la bédé belge est entrain de baisser au profit du manga. Et ça se fait de manière de plus en plus rapide ces dernières années. En 3-4 ans, le chiffre d’affaires manga a quasiment doublé et les éditeurs de bédés belges se sont également intéressés au manga et ont créé leurs propres sociétés d’éditions de mangas.

CSJ: Comment expliques-tu cet engouement pour la culture manga? DH: Les gens ont commencé à voir le manga comme une vraie culture à part entière, contrairement à il y a quelques années où les manga étaient associé au sexe et à la violence. Ce que j’essaie avec Polymanga, c’est de montrer la diversité qui existe dans cette culture à part entière en passant beaucoup de projections pour essayer de montrer cette diversité. Car il existe des mangas spécialisés pour les filles, pour les garçons, etc. Les mangas sont donc destinés à toute la famille et les festivals tels Polymanga ont pour particularité de pouvoir mélanger les générations. On peut tout à fait y venir en famille, le père jouant à Grand Turismo, la mère suivant la cérémonie du thé pendant que leur enfant assiste à une projection d’animé.

Le fait que des films d’animation soient sortis dans les cinémas a également beaucoup fait pour populariser l’animation japonaise auprès du grand public. Les productions du studio Ghibli (Le Voyage de Chihiro, Le Château dans le ciel, etc) ont beaucoup aidé à l’évolution des mentalités. Il y a eu le fameux épisode du club Dorothée où ils avaient programmé des animés comme Ken le survivant, relativement violent, à des heures de grandes écoutes le mercredi après-midi. Cet épisode a totalement décrédibilisé les animés japonais en leur collant une image violente. 10 ans après, les chaînes hertziennes recommencent à programmer à nouveau des animés japonais, mais la traversée du désert a été longue. Pour ne pas commettre les mêmes erreurs qu’il y a 10 ans, on spécifie toujours l’âge conseillé devant chaque salle de projection

CSJ: Donc Polymanga est arrivé juste au bon moment pour profiter de ce nouvel engouement? DH: On peut dire ça. Il faut dire également que le DVD a été une grande chance pour faire découvrir la qualité de l’animation japonaise. Les éditeurs ont vu un moyen de mettre beaucoup d’épisodes sur un support et avec les bonus on a trouvé un enrichissement énorme de l’animation japonaise.

CSJ: Quelque chose à rajouter? DH: J’aimerai remercier tous les partenaires de l’événement qui, sans eux, ne pourrait tout simplement pas avoir lieu. Également un GRAND merci aux bénévoles et à tous ceux qui nous soutiennent en partageant leur savoir et leurs connaissances à travers les différentes activités.

www.polymanga.com